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la sagesse innée du corps et l'expérience du "lâcher-prise" (katsugen undo)
1 avril 2007

L’expérience brute du « lâcher-prise » (katsugen undo), mode d’emploi?

 La transe de la spontanéité

  Concrètement le lâcher-prise, c’est ce qui se passe quand on ne fait rien. Ce qui a lieu quand on arrête d’utiliser le corps-mental et qu’on le laisse s’exprimer librement, quand on cesse de modeler, de diriger, de contrôler, d’influencer le cours de la vie. Ce qui est laissé là (brut, direct, non-modifié, non-« dénaturé »), est quelque chose « d’extra-ordinaire », qui s’exprime spontanément, d’une manière qui lui est propre.

   Dit comme ça cela peut paraître un peu bizarre, mais c’est juste la manière instinctive du corps de se réguler, de retourner vers son harmonie naturelle.

   Vous avez un moment de libre, un moment où vous n’avez rien à faire, un moment où personne n’a besoin de vous –même pas vous-mêmes- allez-y : fermez les yeux, plongez en vous-mêmes et laisser faire... Les pensées vont et viennent, le corps bouge tout seul. Personne ne bouge, ça bouge, ça sent ça pense. C'est cela « être ». Être, ne plus être en représentation de soi; être sans être « ni ceci ni cela » (ni homme, ni femme, ni gros, ni maigre, ni grand, ni petit, ni pro, ni anti, ni de gauche, ni de droite, ni sain, ni malade, ni patron, ni salarié, ni chômeur, ni catho, ni musulman, ni bouddhiste, ni bi, ni homo, ni hétéro, ni zoo, etc…).  Être spontané. Être naturel. Laisser vivre. Laisser être. Être. Rien d’autre

  La spontanéité, l’activité naturelle du corps, le fonctionnement automatique du corps, le fonctionnement organique spontané… sont autant de synonymes de « lâcher-prise » dans ma bouche. Le lâcher-prise (la spontanéité, la transe, ...) dont je parle a déjà lieu en vous en ce moment même où vous lisez ces lignes. Le lâcher-prise en ce sens c’est tout ce que vous ne contrôlez pas, ce sur quoi vous n’avez pas de prise ; et à chaque instant la vie de votre corps vous échappe. L’organisme vivant gèrent des milliards d’opérations à la seconde qui ne nous demande ni notre attention ni notre maîtrise (heureusement). Sans l’incroyable "intelligence" universelle de ce fonctionnement automatique d'ailleurs, ni notre attention ni notre maîtrise ne serait possible.  

  C’est pour cela qu’il est important de constater que le lâcher-prise a lieu en soi avant tout, qu’on participe du lâcher-prise qu’on le veuille ou non. Afin de ne pas se forger une image romantique du « lâcher-prise » tel qu’on se l’imaginerait -de manière complètement désincarnée-, et de commencer par la suite une quête sans fin d’un soi-disant « lâcher-prise » chimérique.

    Le lâcher-prise c’est le fonctionnement organique spontané : quand on rote, on pète, on baille, le fonctionnement des 5 sens, la digestion, le sommeil, le réveil, etc. tout  cela a lieu sans effort, même les bébés savent le faire. Nul besoin de mode d’emploi. Un nouveau-né n’est que lâcher-prise en ce sens. Il n’a aucun moyen de contrôle, aucune emprise sur le mouvement de la vie. Il est spontanéité du Vivant avant même d’avoir conscience d’être. Avant d’être (avant d’avoir conscience d’être un corps-conscience, avant de ressentir sa présence comme vivante, d’avoir le sens du « je », de reconnaître « je suis », etc).

    La spontanéité des choses fonctionne en dehors du sens qu’on lui donne. Le soleil brille, les vagues déferlent, la mort frappe, on tombe malade, on sent, on pleure, une fleur s’épanouit, une araignée tisse sa toile, l’orgasme ou le vomissement nous secouent de spasmes, les arbres sont secoués par le vent, etc. tout cela arrive de soi-même, sans raison, sans cause. « C’est la vie », « c’est la force des choses », « c’est comme ça », c’est tout.

    Notre organisme vit sa vie tout à fait indépendamment de ce que nous pensons être le but et le sens de la vie. Lâcher prise c’est accepter ce fait étrange et se laisser embarquer malgré soi dans ce hors sens et ses conséquences. Accepter le lâcher-prise ce n’est rien d’autre que d’accepter que nous sommes le cours des choses, sans distinction. Laisser faire la force du Vivant, la dynamique spontanée des choses.

  Ce qu’on appelle plus particulièrement « l’expérience brute du lâcher-prise » comme je l’ai dit plus haut, c’est le fait de lâcher la bride du corps. On assiste à sa propre désarticulation spontanée –en témoin consentant-, le corps part en vrille, ça peut être très doux (voire « extatique ») comme ça peut être très violent, très éprouvant (voire douloureux) . Plus on a un corps cuirassé, plus on contient, plus l’expression est brutale quand les vannes s’ouvrent. C’est comme la pression d’un cours d’eau sur un barrage : plus la pression est forte, plus le débit est torrentiel quand une faille s’ouvre. De toute façon ça varie tout le temps, d’une journée à l’autre comme dans une même journée selon l’énergie du moment.

   Ça peut être très doux pendant un temps, à peine un léger balancement, et bientôt ça s’emballe sans prévenir… Il n’y a rien de prévisible. C’est à chacun de vivre son expérience. Vous ne pouvez pas savoir à l’avance. Réfléchir à l'expérience brute du lâcher-prise et à ses conséquences avant d'en faire l'expérience est un exercice vain, une pure fiction.

   Finalement l’important n’est pas ce qui se passe, si le mouvement est doux ou violent, spectaculaire ou presque imperceptible, mais bel est bien l’état dans lequel on se trouve : l’état témoin ou l'état automatique. L’état dans lequel on se contente d’être le simple témoin de sa propre spontanéité. De la spontanéité du corps qui est celle du Vivant. Il n’y a vraiment rien à faire, ça se fait tout seul. « Personne » ne participe à ce qui se passe, on assiste à sa propre impuissance, on subit.

   Je n’en dirai pas trop sur les conséquences. Il y en a qui s’en servent comme d’une pseudo « technique de santé sans technique », je crois que je me suis déjà assez longtemps étendu sur ce que je pensais de la mesquinerie de cette approche  pour ne pas en rajouter (dans mon blog). Oui, plus on se laisse aller plus « ça va », oui moins on se porte mieux on se porte… et alors ? Les animaux vivent ainsi et n’en font pas tout un fromage. Donc il n’y a pas lieu de s’appesantir sur la remarquable capacité d’autorégulation de l’organisme (1).

     Certaines personnes « n’arrivent pas à lâcher-prise ». Voilà une phrase absurde que j’entends parfois. C’est pourquoi j’insiste toujours sur le fait que le lâcher-prise arrive tout le temps, sans arrêt, et que dire le contraire c’est comme affirmer qu’on est un être non-vivant. Le Vivant, la dynamique des choses est toujours en action, qu’on le veuille ou non, et nous en sommes partie intégrante -en dépit de tous nos efforts pour nous convaincre du contraire (le mythe de l’Homme qui parvient à s’extraire de l’influence de la Nature grâce à son libre-arbitre et son intelligence( !). Le jour où un humain parviendra devant moi à arrêter le fonctionnement automatique de son corps  et à le relancer à volonté, je changerai d’avis –pas avant…)

   Le lâcher-prise n’est pas quelque chose à réussir, ce n’est pas quelque chose qui se mérite et auquel on peut s’entraîner. Il n’y a rien à faire de nouveau, il n’y a pas d’activité en plus. Lâcher prise c’est « accepter » d’arrêter de faire. D’arrêter de contrôler. C’est quelque chose, une activité en moins. Littéralement l’expression directe du fonctionnement organique spontané est ce qui se passe quand on ne fait rien.

   C’est comme quand on s’endort ou qu’on se réveille : il n’y a strictement rien à faire. Accepter quelque chose de naturel ne demande aucun effort particulier. Il n’y a qu’à laisser-faire en témoin consentant et désinvesti la spontanéité des choses.   

    Autrement dit pour lâcher-prise il n’y a qu’à faire confiance à la force qui nous endort et nous réveille. Lorsqu’on s’endort rien ne nous garantit qu’on va se réveiller avec  certitude, et pourtant on le fait avec un certain bonheur. C’est exactement la même chose. Rendez les armes comme quand vous vous couchez, et tout ira bien, quoiqu’il se passe faites confiance…

   Il n’y a pas de mode d’emploi. N’importe quelle personne qui vous dit de faire ceci ou cela en vous promettant à coup sûr le lâcher-prise est un escroc.

    J’ai parlé dans « comment j’ai découvert qu’on pouvait laisser le corps fonctionner en pilotage automatique » de comment cela m’était arrivé. Vous pouvez essayer cette manière « méditative » d’aborder la chose mais rien n’est garanti. C’est à chacun de trouver son truc. Personne n’est identique. Ne cherchez pas trop ça vient tout seul. Et surtout autorisez-vous tout.

   Pour être complet sur ma propre expérience je dois ajouter qu’au début pour accepter le « pilotage automatique » mon truc c’était de danser n’importe comment (vraiment n’importe comment, en bougeant dans tous les sens, tout azimut, comme le ferait un enfant…) sur la chanson numéro 7 de l’album Lambarena (Bach to Africa), au bout d’un moment le corps (la spontanéité) prenait le relais –comme en transe, mais sans perdre conscience- sans que je n’ai plus besoin de m’agiter dans tous les sens. C’est pour cela que si le lâcher-prise vous intéresse, autorisez-vous tout. Ne bridez rien, lâchez ! Du calme le plus profond à l’apparente folie, osez !

   Soyons clairs, le lâcher-prise dont je parle n’a rien à voir avec le fait de faire n’importe quoi, de remuer n’importe comment, de « danser comme un débile », de « se lâcher » comme on dit, ou encore de s’écouter et de s’improviser dans le mouvement. Là il y encore « quelqu’un » qui fait quelque chose. Le défoulement ou l’improvisation ne sont pas la spontanéité. Ils s’en rapprochent mais ici il reste encore de la volonté. La spontanéité s’exprime pleinement lorsque la volonté cesse, lorsqu’elle est momentanément suspendue. Ce sont ces instants de suspension de tout contrôle de soi, de toute volonté, de tout « faire », que j’appelle « lâcher-prise organique ». Là il n’y a proprement parlé « personne » qui fasse quoi que ce soit. C’est la spontanéité du Vivant qui s’exprime pleinement, pas le personnage qu’on incarne dans la vie courante qui n’en est qu’une pâle réflexion.

    C’est tellement simple qu’il est difficile d’en parler car tout le monde en fait tout le temps l’expérience. Quand vous baillez, qui baille ? Personne ne baille à proprement parlé, ça baille : c’est le fonctionnement organique spontané -ou encore la spontanéité du Vivant- qui baille. Dans la vie quotidienne on est fréquemment interrompu dans nos actions volontaires par des « états témoin » plus ou moins furtifs et intempestifs (le rot, le pet, le reflexe, le rire, le tic, le grattement, etc.), on y est tellement habitué qu’on y fait même plus attention.

    Lâcher-prise vraiment, c’est profiter d’un temps libre pour ne rien faire, pour laisser son comportement volontaire de côté et laisser le fonctionnement automatique du corps s’exprimer sans notre intervention. La non-ingérence, voilà le maître mot. Ce qu’il y a de franchement déboussolant pour nous qui avons pris la mauvaise habitude d’être maladivement « maître de nous-mêmes » durant toute notre période de veille, c’est qu’au lieu de durer plusieurs secondes comme par exemple l’orgasme, la perte de contrôle peut durer plusieurs minutes voire une heure si l’énergie est là et qu’on s’y abandonne durant tout ce temps… Le corps en profite parfois pour faire des choses extraordinaires dont on ne le croyait même pas capable. C’est surprenant. Ca brouille les repères mornes et bouscule les habitudes mortifères.

   S’agiter dans tous les sens, danser n’importe comment, improviser des mouvements fluides qui font du bien, méditer, etc… Ces activités dans lesquelles on se lâche un peu peuvent faciliter l’acceptation du lâcher-prise mais ne sont pas elles-mêmes le lâcher-prise « véritable ». Quand le lâcher-prise organique s’impose on voit bien que toutes ces activités –certes souvent fortes agréables et bénéfiques dans une certaine mesure- ne sont que de vulgaires remue-ménages de pacotille presque dépourvus de grâce ("presque dépourvus de grâce", comme si la grâce de la spontanéité n'était pas tout. Absolument tout. Comme si la "grâce" n'était pas omniprésente. Comme si tout n'était pas l'expression directe de la spontanéité - le katsugen undo... C'est ridicule! Faites attention à ce que vous lisez bon sang! :) :)

   Par la suite tous ces « trucs » sont bons pour la poubelle. Après un temps plus ou moins long selon chacun il n’y a plus besoin d’aucune astuce gesticulante ou méditative pour accepter le lâcher-prise. Il devient très facile de rentrer en soi et de laisser-faire, c’est comme de retrouver le réflexe d’aller aux toilettes après avoir été longtemps constipé... Le corps « sait ». C’est à lui de jouer, et il sait comment s’y prendre. C’est un peu comme un clebs qui vit en intérieur : quand vous lui dites « promenade » il n’y a pas besoin de lui répéter mille fois : il sait de quoi il en retourne, il sait se « promener », il suffit de lâcher la laisse et de lui faire confiance, de le laisser aller. Pour le corps c’est pareil, il sait se laisser aller ; lâchez-lui la bride et tout ira bien…

    Voilà, maintenant, à vous de jouer !! ou pas…

    Cela ne me regarde pas…  

 

(1) Si en effet je constate que le corps laissé à lui-même va vers sa propre santé (que le flux de la vie coule spontanément vers sa propre harmonie), je constate aussi et surtout que toute définition de la santé est nuisible à la santé. Car toutes les pratiques issues de ces  définitions grotesques visant «la Santé » (et tout le toutim : « épanouissement, développement personnel, connaissance de soi, paix, réalisation de soi, plénitude… » etc.) nuisent à la spontanéité. (Comme sur les paquets de clopes, on devrait  marquer en gras sur tous les livres de propagande sur le « Bien-être » : Définir la santé tue !  :) Vouloir diriger le cours des choses au nom même de l’harmonie c’est perturber l’harmonie sauvage qui est déjà là, intrinsèque -en action-, dans le cours des choses. Toute organisation autour de la spontanéité nuit à la spontanéité.

  

  

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