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la sagesse innée du corps et l'expérience du "lâcher-prise" (katsugen undo)
19 septembre 2013

La consistance de mon corps : l’histoire d’un grumeau dans l’univers

 Ce texte était initialement précédé d'un passage qui traitait du thème du "sens de la vie", c'est pourquoi il commence de manière un peu abrupte. Passé le premier paragraphe cette sensation disparaît, c'est pourquoi je l'ai laissé sous cette forme. 

   Ejecté le faux problème du « sens de la vie », cette absurde "quête de sens", me voilà dans une impasse intellectuelle, me voilà au bout du chemin, en nez à nez avec moi-même. Parce qu’il me reste « le problème » de  ma consistance  (de la consistance de mon corps, de mon être, de mon ego, de ma conscience-d’être, de ma sensation-d’être, etc... ou quel que soit le terme utiliser pour désigner ma présence). Et quoi que j’en dise, quelle que soit ma manière d’interpréter ce fait : je suis ; et je n’y peux rien, je n’ai pas le choix. Comme je n’ai pas eu le choix de naître ou non, ni de me réveiller ce matin.

   La question même « pourquoi je suis ? » est absurde car elle porte elle-même sa propre réponse : il faut un « être » pour se poser la question, il faut en premier lieu constater sa présence, reconnaître, ressentir  la connaissance je suis pour que cette connaissance s’interroge sur elle-même. S’il n’y a pas de présence, il y a absence de question. On a jamais vu un nouveau-né s’interroger sur sa raison d’être : il n’a pas encore acquis le moyen de se poser la moindre question. Ce qui veut dire que la question vient de la réponse –et non l’inverse.

   On se pose des réponses, et non des questions. Car c'est avec les réponses qu'on a accumulé depuis notre enfance qu'on est en mesure de se poser des questions. Le langage, les concepts, la faculté de se questionner et de raisonner, cela n'est pas innée, ça s'acquiert, ça s'apprivoise, ça se construit doucement. (J'ai compris ça en essayant de parler phénoménologie avec ma fille de 2 ans.) Si on prend acte de ce fait, on se rend compte qu'on a appris à se poser des questions. Quelles soient dite "profondes", "essentielles", "superficielles" ou "pratiques",c'est exactement la même chose: elles ne tombent pas du ciel. C'est la Culture qui nous à vu naître qui nous a appris à nous poser tel ou tel type de question.

  Cependant de la part du Vivant, de la Nature, il n'y a aucune distinction de valeurs entre les questions jugées "spirituelles, psychologiques, pholosophoques, existentielles, métaphysiques, etc » et « est-ce que tu peux me passer le fil à couper le beurre s’il te plaît ? ». C’est exactement le même instrument qui rentre en jeu : notre faculté à nous questionner à partir des éléments de réponses que l’on possède déjà...

    Ce qui veut dire que toutes les réponses à cette question « pourquoi suis-je ? », que ce soient les réponses scientifiques, spirituelles, psychologiques, religieuses, etc, ne sont que des fables cu turelles auxquelles rien ne m’oblige à adhérer. Pour la simple et bonne raison que toutes les raisons d’être, sans exception, découlent de la conscience je suis. La condition préalable pour qu’une personne donne une explication au « phénomène de la vie »,  au « monde », à « l’univers » ou à « soi-même », est que cette personne soit, qu’elle ressente sa présence, qu’elle ait conscience d’être. L’explication vient dans son second temps. De là à dire que les explications sur la vie sont secondaires et que le primordial est de vivre sans raison vraie ni explication réelle, il n’y a qu’un pas. Franchissons-le !

   Peu importe le moyen utilisé pour arriver à des conclusions explicatives (des calculs savants avec des machines compliquées, un voyage chamanique, une révélation divine, un rêve, une intuition, le raisonnement rationnel, la logique, etc...), cela arrive après l’apparition de la conscience. C’est pourquoi je dis que toute explication de la vie est mythologique. Toute vérité sur la question est un acte de foi. La Vérité, c’est la foi en la Vérité. Hors foi il n’y a ni Vérité ni vrai ; ni Réalité ni réel ; ni Dieu ni prophète ; ni Esprit, ni Inconscient, ni Psyché, ni Transcendance spirituelle d’aucune sorte, ni autorité spirituelle ou psychologique, ni maître, ni guru ; ni Objectivité ni neutralité, ni savoir indiscutable, ni savant indiscuté, ni professeur; ni Couscous, ni garbit, ni saupiquet...

   « Pour du vrai » comme disent les enfants on en sait rien. Cela dépasse notre entendement. « Pourquoi je suis né ? », « pourquoi je me réveille le matin ?» ou encore « être ou ne pas être ? », voilà exactement le genre de questions qu’il est tout à fait inutile de se poser (« To be or not to be ? » that is not the question !). Car toutes les réponses sont possibles. Ne viendront contredire vos propres réponses que ceux qui croient qu’elles savent qu’elles détiennent une réponse plus vraie que la vôtre. Pour du vrai c’est comme on veut. Autrement dit, on s’en fout…

   Qu’est-ce que ça peut me faire d’être né dans un chou ou dans une rose, que je sois issu de la rencontre entre les couilles de mon père et la foufoune de ma mère, que le monde ait été créé en 7 jours par un barbu qui s’ennuyait dans les cieux ou viennent d’une improbable rencontre atomique appelée « Big bang », « Youpitralala pouêt pouêt », ou que sais-je encore ? Je m’en tamponne le coquillard. Cela n’a absolument aucun impact sur mon fonctionnement organique présent. Tout ce que je sais c’est que je suis. Le reste n’est que bavardage.

  

   Je suis né à la conscience, le reste en découle. Tous les matins ma conscience d’être se réveille -simultanément moi et mon monde nous éveillons- tous mes actions et mes expériences de la journée en découlent. L’acte fondateur de mon expérience tout à la fois sensible et mentale, est mon réveil, mon émergence ( on dit bien à celui qui nous saute sur le paletot au saut du lit 'laisse moi le temps d"émerger"). L’éveil de ma conscience-présence-consistance-corps, échappe totalement à mon contrôle et ma volonté. Je suis malgré moi. Je me subis comme je subis le monde qui est le mien -et qui me colle à la peau jusqu'à n'être que l'extension de mon propre corps.

    Alors quoi ? Alors si toute expérience est expérience de la conscience faisant l’expérience d’elle-même, la Vérité hors de mon expérience je m’en tamponne ; je n’énonce que des petites vérités éphémères toute riquiquis. Alors si toute expérience est l’expérience de soi faisant l’expérience de quelque chose, la Réalité en dehors de mon expérience ne me concerne pas ; seule me concerne ma petite réalité tout subjective, quoi que j’en dise...

    Alors mes vérités mensongères et ma réalité hallucinée sont toute ma vie et s’ancrent indéniablement –prennent comme point de départ- ma présence. Tout est inclus dans ma présence. Seule compte ma présence. Seule compte mon expérience directe, ma connaissance et mon savoir qui est viable et effectif exclusivement pour moi. (Si je me détourne de mon expérience et que je commence à décrire comme vraies et indiscutables des choses que je ne peux vérifier par moi-même, des choses que je ne sais pas, je deviens un homme dangereux.)

   Alors seule ma consistance est. Alors je reconnais comme point de départ de toutes mes actions et de mes pensées (c’est-à-dire de mon expérience) la consistance de mon corps, la reconnaissance je suis, ma conscience d’être. Sans elle je ne suis rien. Sans elle il n’y a rien. (C’est irréfutable : je ne peux pas prouver le contraire car précisément sans ma consistance je ne serais pas là pour le dire. Parlez-moi de votre sommeil profond ou de votre vie avant votre premier souvenir, avant votre conscience, et je vous rirai au nez comme un idiot : vous parlez de ce que ne savez pas et ne pouvez savoir !) Et si tout, pour moi, dépend de ma consistance, je reconnais alors que ma vie entière dépend de la consistance de mon corps... Pourquoi ce soucier d'autre chose dès lors?

   Car de la consistance de mon corps à « l’insupportable consistance de mon corps » il n’y a qu’un pas. Car si je suis attentif à ma présence, je me rends compte que plus je suis consistant, c’est-à-dire, plus je ressens mon corps de manière saillante et grossière, plus vivre m’est insupportable. Alors que plus je me sens dilué, fluide, moins je ressens la consistance de mon corps, ou plutôt plus cette consistance est subtile, plus le fait de vivre m’est simple et facile. Je ne dis rien de plus quand je dis que le corps et l’univers ne font qu’un : plus je me supporte plus le (mon) monde est supportable, moins je me supporte moins le (mon) monde est supportable. Moins je suis consistant plus je m’accepte tel que je suis et plus j’accepte le monde tel qu’il est. Plus je suis consistant plus je veux me changer et -par simple extension- changer l'Autre (quelle que soit cette altérité: le "monde", ma femme, ma belle-mère, mes enfants, le "système, les noguchistes, les racistes, les anti-racistes, la violence, la guerre, le capitalisme, mes seins, mon ventre, mon cul, mon chien, etc, etc). Moins on s'accepte soi plus on veut changer l'autre. On accepte l'autre comme on s'accepte soi-même. Et cette "acceptation" n'est pas affaire de volonté ou de bonne résolution, ça a lieu, ou non. 

   Pour illustrer cette histoire de consistance du corps j’utilise la métaphore « du grumeau dans l’univers » : je me sens comme un  grumeau dans l’univers. Et plus je suis dilué, plus il y a harmonie dans l’ensemble, plus la vie coule de source ; plus le grumeau est épais ou grossier plus il y  a guerre (luttes et effort) : plus l’ensemble dysfonctionne.  Plus ma consistance est grossière plus j’ai l’impression d’être une partie isolée, une entité séparée du Tout (séparés des autres, du monde, de la Nature). Plus ma consistance est subtile plus j’ai l’impression de faire partie intégrante d’un Tout, sans distinction de fonctionnement (« individuel », « collectif », « universel »). Plus je me sens inconsistant, plus j’ai l’impression de me fondre dans le mouvement unitaire de la vie, dans le fonctionnement global des choses… Cette manière d’exprimée les choses vient de ma propre expérience.

   Et de ma propre expérience je constate que le lâcher-prise  a une action fluidifiante sur la consistance du corps-conscience. Le katsugen undo, la spontanéité, est la seule chose qui a une influence aussi diluante sur l’insupportable consistance de mon corps. De cela je me rends compte chaque jour. Et cela à une influence énorme sur moi, sur mon monde, sur mon « moi-monde ». Je change, ma manière de vivre mon corps change, ma spontanéité change, mon monde change, il se fluidifie et s’harmonise de lui-même dans l’acceptation de sa spontanéité.

   Dans le même temps mon comportement s’automatise : que ce soit ma manière de faire, de penser ou d’être, cela me semble de plus en plus couler de source, sans heurt. La vie va. Non seulement moi, mais aussi les choses inanimées et les êtres qui m’entourent me semble de plus en plus obéir à cette même source de spontanéité. « Tout est spontané », c’est le constat vers lequel je semble me diriger (1). Je me vois de plus en plus comme une sorte d’automate, de pantin mû -comme son environnement dont il participe à part entière- par l’intelligence spontanée universelle. Le Vivant, vivant  malgré lui, en harmonie.

   Quoi de plus naturel, de plus normal, que l'expérience du lâcher-prise? A mon goût rien.

    Voilà, que dire de plus?, j’en ai déjà beaucoup trop dit. Puisse cela tombé dans l’oubli.

 (1)Ce passage est un passage de science-fiction. Pris d’une subite envolée lyrique, à partir de mon expérience j’en déduis ce vers quoi « je semble me diriger ». A partir de mon passé j’en déduis mon hypothétique futur. A partir de  de ce que je sais j’en déduis ce que je ne sais pas –et ne peut savoir.

   C’est un exercice d’anticipation, de projection pure et simple. Qui ne représente d’autre intérêt que d’illustrer le fait que je suis vivtime de ce que je dénonce : notre faculté à donner un sens à notre vie, à nous projeter dans l’avenir par pur lyrisme. Je le laisse à titre d’exemple de pensée inutile et dangereuse si on ne s'en méfie pas et se met à y croire sérieusement.

    Car notre croyance en une chose telle que « le futur » ne peut qu’être illusion. Comme on ne peut pas connaître le goût d’une pomme avant d’en avoir goûté une, on ne peut avoir une expérience avant d’en avoir l’expérience. Et le futur est par essence cet inexpérimentable ;  et non ce pas encore expérimenté comme nous l’indique notre croyance en l’avenir qui n’est qu’espoir. Rien n’indique avec certitude qu’en commençant à traverser une rue on va parvenir de l’autre côté. Même si jusqu'ici cela nous a toujours réussi, ce n'est en rien une garantie. Rien n’est moins sûr que l’instant suivant. L’après est une fiction, une construction de notre passé, un espoir de continuité.

   Cependant nous aurons beau nous répéter à nous-mêmes mille fois par minute l’adage  « on ne sait pas ce que la vie nous réserve », cela ne changera rien au fait que nous avons manifestement l’illusion de savoir, nous croyons savoir. C’est pourquoi je ne dis pas « je sais que je ne sais pas », mais « je sais que je sais, mais ce savoir est du flan

    Je ne dis pas que mes prédictions sont forcément fausses, qu’elles ne vont pas se réaliser avec certitude. Je dis qu’en l’état de chose je ne peux pas le savoir. Mes projections dans mon avenir (comme celui de parvenir de l'autre côté de la rue)  ne sont pas plus probables qu’elles sont improbables. Comment le savoir ?

   Pour me projeter dans l’avenir j’utilise ce matériel que j’appelle mon expérience, mon passé, ma connaissance : c’est-à-dire que je me sers de ce qui m’est déjà arrivé pour imaginer ce qui ne m’est pas arrivé.  C’est forcément à côté de la plaque ; et je rajoute que c’est même déplacé de ma part de parler de « mon futur ». C’est une insulte faite à la vie et à son imprévisibilité.

   Imaginer « comment je serai  dans l’avenir » est un exercice vain. Me fabriquer une image, me construire une re-présentation de moi future ne vaut pas tripette. On ne peut imaginer que son passé parce que c’est son passé qu’on utilise pour imaginer !

   Le futur n’existe pas en tant que tel –pas réellement, pas véritablement - il n’est qu’une vue du passé. En ce sens le mouvement du temps coule du passé vers le passé. Si le passé à un surnom, c'est "futur", et s'il a un pseudo, c'est "présent". Parce que qu'est-ce qui nous permet de reconnaître une chose telle que "le présent" et de le nommer ainsi? Notre connaissance. Qui n'est par définition n'est que l'accumulation de notre expérience passée. Dans la mesure où on re-connaît le présent il est illico relégué, assimilé au passé -en tant que nouvelle connaissance, que nouveau passé.

   C'est pourquoi le temps, le passé-présent-futur, n'est que l'écoulement du passé vers le passé. Toute expérience n'est jamais que la connaisance "je suis" faisant l'expérience de la re-connaissance "je suis" -sous toutes ses formes. Mais quand le passé n'est pas là, où est la forme? qu'en est-il de la connaissance "je suis"? La question reste en suspens. Car si on y répond c'est le passé qui le fait, notre connaissance. Et une chose ne peut pas répondre à son absence.

   Et soudain je comprends la phrase "la pensée, la conscience est une chose morte". La pensée, la conscience , n'est que le mouvement du passé qui s'entretient, s'enrichit, se nourrit et se continue de lui-même. L'expérience est une chose morte. C'est toujours la même expérience qui se répète, l'expérience de la conscience de soi. Cette chose morte est celle-la même que nous appelons "la vie", "notre vie", "notre existence"... 

Ô vertige quand tu nous tient!! :) :)

 

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