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la sagesse innée du corps et l'expérience du "lâcher-prise" (katsugen undo)
30 janvier 1998

La notion de "corps" chez Nisargadatta

La notion de "corps" chez Nisargadatta: "Vous n'êtes pas le corps!" 

 

   Les mots sont paumatoires si on n'y prend garde.

   Quand Nini (pour les intimes) emploie le mot "corps", il parle de l'image corporelle,  de l'enveloppe corporelle, de la forme corporelle, du corps-frontière, corps-limite, corps-prison, corps limité, corps séparé du Tout, organisme vivant se vivant (vivant sa présence) comme coupé(é) du Vivant (quelle absurdité!).

   Quand il nous intime à faire acte de présence à notre propre présence, il convoque en nous le corps-tel-qu'on-le-sent, le corps spontané, le corps-présence, le corps-espace, la corps-univers, le corps-conscience, le corps Vivant, le corps-Tout. Pour lui Tout est corps. Lorsqu'il affirme "vous êtes semblable à l'espace", "vous êtes l'ensemble du manifesté", "vous êtes la conscience universelle elle-même"... il nous dit que nous sommes le corps du Tout, que nous ne sommes que corps, qu'espace, que univers, que conscience, que physique, que Vivant, et non pas des "individus enfermés dans des coquilles", des solitudes isolées à la dérive, des grumeaux dans l'univers...

   C'est un message on ne peut plus incarné, profondément organique, concret, physique. Une physique (un espace physique, un corps, une présence) qui ne s'empêtre pas dans la grossièreté, dans le grossier, dans l'identification, dans le coagulé, dans les concrétions d'espace, dans les illusoires divisions, dans la comédie de la désunion, dans le desincarnement dans le déguisement de nous-mêmes.

  Il nous parle de notre "corps élémentaire" comme on parle des "particules élémentaires". "Nous sommes poussières et nous retournerons poussière" (nous sommes particules élémentaires et...), "Ceci est mon corps", voici des paroles qui retrouvent tout leur éclat à la lumière  de Nisargadatta.

  Les mots sont des emballages. L'intéressant ce sont les expériences qu'ils recouvrent. Sans l'expérience les mots sont creux, vides, des signes sans vie, de vulgaires déchets, des cadavres.

   Le fait que des gens « mal dans leur peau » (parce que justement il la sente trop cette peau-frontière) attribuent aux affirmations de Nisargadatta telles que « vous n’êtes pas le corps » ou « vous êtes semblable à l’espace » des accents incorporels, spirituels, psychiques, psychologiques, surnaturels, non-physique, non-organique, non-physiologique, non-biologique ne fait que révéler et confirmer leur propre dérèglement organique. Ce dont nous parle en termes simples, « bien sentis », Nisargadatta c’est d’un état physiologique, physique, biologique, organique « normal » voire « ordinaire » : un corps -un organisme du Vivant- même conscient de lui-même (même reconnaissant sa présence physique, même se sentant vivant, même se reconnaissant comme l’espace -même reconnaissant l’espace (« l’univers ») comme son propre corps-, bref même doué de la connaissance « je suis »), ne sent pas ses limites (la frontière de sa peau) en dehors des zones de contact (de toucher).

   L’extra-ordinaire, l’a-normal, la pathologique, le dérégulé, c’est de sentir continûment les frontières de sa peau même quand elles ne sont pas sollicitées. C’est de sentir continûment « son corps » - comme refermé sur lui-même, isolé, enfermé dans des limites incapables de s’effacer en l’absence de contact. C’est cela le corps-frontière, le corps-prison que rejette Nini comme une simple « image de soi ». Ce corps réduit, partie qui se vit isolée du Tout, n’est que le symptôme d’une maladie que nous pouvons appeler « la conscience séparée » -qui se manifeste par la croyance « je suis ceci et (ou) cela » et se ressent par un corps séparé du Tout, un "grumeau" distinct de l’univers-espace et incapable de ne pas se penser.

   Est-ce que la vague se sent distincte de l’océan ? le courant d’air se sent distinct du vent ? le soldat de plomb se sent distinct du plomb ? l’animal en pâte à modeler se sent distinct de cette pâte – ce qu’il est ?... L’oiseau ne se sent pas distinct de l’air qui porte son vol, le poisson nage en lui-même…

   Et l’humain dans tout ça ? Il n’a pas de place particulière au sein du Vivant. Il est. Non distinct de ce qu’il est –Vivant, espace, corps-univers. Ne ressentant pas sa présence comme un surplus mais comme une simple onde, une pulsation de vie. Pareil à une limace ou un moustique. Rien de plus… Un rien semblable à tout.

   Flux ininterrompu de pensées : ressenti ininterrompu de la frontière de sa peau ; voici le symptôme (unique mais à double expression) de l’existence du « grumeau dans l’univers », du complexe corps-mental, corps séparé à l’existence senti-mental, « je suis » dénaturé, organisme vivant ne se sentant pas Vivant…

   Le toucher comme la pensée sont essentiels, d’une importance vitale pour la survie de l’organisme ; il ne s’agit pas de se rebeller contre ces sens, ni d’essayer d’en faire bon usage, mais de les laisser se réguler grâce au Nisarga Katsugen Undo – ce qui se passe tout seul. Autrement dit il n’y a rien à faire : il n’est pas question de s’aider soi-même délibérément, mais d’arrêter de faire (de faire usage de sa volonté, de son corps dérégulé), de laisser faire.

   Avec Nisargadatta la question n’est pas de se sentir « bien » ou « mal » dans sa peau, mais de ne pas sentir continûment sa peau. D’être tel qu’on naît, tel qu’on est. Un « je suis » naturel, automatique, spontané, inné. Une expression indistincte de la conscience universelle spontanée. Un organisme vivant se sentant Vivant. Ce qui est notre condition naturelle, native.

(Pour ceux que cela intéresse cette notion de "je ne suis pas le corps", lisez Jean Klein, c'est beaucoup plus pédagogique -moins abrupt, plus clair, moins brusque, moins "quiproquoesque"- que Nisargadatta)

 Bonne immersion

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